Travailleurs, travailleuses et algorithmes

Quand la classe ouvrière allait au paradis… En 2009 le titre du thème de la 32e édition du
Festival du Film Italien de Villerupt était suffisamment évocateur de la fin d’une époque,
celle du travail manuel, agricole et industriel, minée par l’exode rural, les délocalisations,
les fermetures, bref, l’écroulement de pans entiers de l’économie des Trente Glorieuses. La
fin de la faucille et du marteau et des illusions d’un progrès garanti. Les films montraient
les conséquences dramatiques que ces mutations avaient sur les individus, leurs familles,
la vie de la société.
15 ans après, les représentations du travail ont changé, suivant en cela les nouveaux modes
de production. Les campagnes et l’industrie ont pratiquement disparu des écrans italiens,
ou alors comme échos d’un passé qui n’entend pas mourir.
In grazia di Dio (Edoardo Winspeare, 2014) montre une famille paysanne qui retourne à la
terre et remet en cause les mythes trompeurs d’une certaine modernisation. Autre retour à
la terre dans La nostra terra (Giulio Manfredonia, 2014), celui des membres d’une coopérative qui s’installe dans un domaine confisqué à la mafia.
Un climat crépusculaire règne dans l’usine de 7 minuti (Michele Placido, 2016) où les
conditions de travail des ouvrières sont constamment dégradées par un management
obnubilé par la recherche du profit maximal.
Le thème de la précarité pointait déjà au début des années 2000, par exemple dans Tutta
la vita davanti (Paolo Virzì, 2008) et les tribulations d’une jeune diplômée de philosophie qui se retrouvait dans un centre d’appel. Un travail pour la vie, le posto fisso, protégé
par le statut de fonctionnaire, semble de plus en plus illusoire. Mais dans Quo vado ?
(Gennaro Nunziante, 2015), Checco Zalone s’y accroche bec et ongles. Sinon, il faut être
créatif, à l’instar des jeunes chercheurs ultra-diplômés (mais sans travail) de Smetto
quando voglio (Sydney Sibilia, 2013) qui inventent de nouvelles drogues et les commercialisent avant que les autorités les découvrent et les interdisent.

Les femmes sont doublement victimes de ces situations qui se répercutent sur leur vie
professionnelle et familiale : rêves étouffés comme dans Sole, cuore, amore (Daniele
Vicari, 2016) ou Gli ultimi saranno ultimi (Massimiliano Bruno, 2015). Sans oublier Serena
Bruno, la jeune architecte qui a brillé à l’étranger, contrainte de se faire passer pour Bruno
Serena, afin que son projet de réhabilitation d’un immeuble soit pris en considération
(Scusate se esisto, Riccardo Milani, 2014).
Ce qui reste analogue, ce sont les représentations des conséquences que ces nouvelles
modalités du travail ont sur les individus, leurs familles, la vie de la société. Surtout lorsque
les algorithmes s’en mêlent pour diriger nos vies dans leur totalité (E noi come stronzi
rimanemmo a guardare, Pif, 2021).
Puis vint le covid qui accéléra tous ces processus.

 

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